lundi 20 septembre 2010

CRÉER DE LA RICHESSE

Une envolée oratoire sur le thème de la création de richesse, ça fait partie depuis belle lurette de la rhétorique de base de la classe politique. Chez nous, au Québec, de l’intendant Jean Talon à Mme Nathalie Normandeau en passant par Alexandre Tachereau, Maurice Duplessis, Jean Lesage et Robert Bourassa, c’est un thème récurrent du discours politique. Mais alors qu’autrefois, on s’efforçait de passer de la parole aux actes, on se limite de nos jours à des déclamations sans lendemain de «péteux de broue».

On l’a bien vu récemment avec la chef du PQ, Pauline Marois. Elle avait d’abord promis de placer au cœur du programme de son parti la création de richesse, virage nécessaire pour retrouver la prospérité et regarnir les coffres de l’État. Mais ces belles intentions se révélèrent vite n’être que de la jactance velléitaire. C’est ainsi que sur la question de l’exploration et de l’exploitation gazières et pétrolières dans le golfe St-Laurent, on ne l’entendit jamais réclamer la levée du moratoire ni exiger la signature d’un accord avec le fédéral sur l’émission des permis et le partage des redevances. Silence radio! Quant au dossier des gaz de schiste dans les basses terres du St-Laurent, elle s’est empressée de s’acoquiner avec les curetons écolos pour exiger un moratoire à la fois sur l’exploration et sur l’exploitation de cette ressource. Il n’y a rien de bien surprenant dans cette position quand on la voit apparaître avec à ses côtés l’ancien chef du parti Vert et une militante verdoyante de longue date, devenus tous deux des députés du PQ qui ne sont vraiment pas, c’est le moins qu’on puisse dire, obsédés par le développement économique. Alors, le recentrage du PQ vers la création de richesse, oubliez ça! Avec une pareille garde rapprochée, soyez certain que le PQ va demeurer un parti vert de bon aloi.

En sera-t-il de même avec le gouvernement actuel? Pour le moment, dans le dossier des gaz de schiste, Mme Normandeau semble vouloir garder le cap vers la nécessaire et salutaire création de richesse. Elle présente la naissance et le développement de cette nouvelle filière énergétique comme un bon moyen non seulement de générer des investissements et de créer des emplois mais aussi de s’attaquer à l’endettement massif du Québec en augmentant les revenus de l’État. Va-t-elle résister aux assauts des divers escadrons écolos qui réclament à grands cris un moratoire sur toutes les actions visant à explorer et exploiter cette richesse naturelle?

Et comme toujours dans ces cas-là, les médias relaient en l’amplifiant le prêchi-prêcha des verts sur les prétendus menaces que fait peser sur l’environnement l’exploitation des gaz de schiste. Faire peur au monde pour stopper tout développement est le plus vieux stratagème utilisé par les chamans écolos.

Et ça marche! Les Québécois sont sans doute le peuple occidental qui subit le plus, sans la moindre contrepartie, le mitraillage incessant de la propagande de peur des prédicateurs verts. Un grand chaman comme Steeve Guilbault, par exemple, peut dire n’importe quoi sur toutes les tribunes médiatiques (qu’on lui offre avec complaisance) sans que personne, au sein de la classe politique et parmi les faiseurs d’opinions, n’ose lui rabattre le caquet. Il pérore dans tous les médias, il assène au Bon Peuple des inepties et des clichés insipides, et nul n’a le courage de lui répliquer.

Reconnaissons toutefois —c’est déjà inusité —que, dans le dossier des gaz de schiste, la ministre n’est pas restée muette. Il faudrait maintenant qu’elle ait le courage (s’il lui en reste) de mettre fin au stupide moratoire qui empêche l’exploration et l’exploitation du gaz et du pétrole dans le golfe St-Laurent et qu’elle conclut au plus sacrant un protocole d’entente avec le fédéral sur les permis et les redevances. Je ne le répéterai jamais assez, il y a sous les eaux du golfe, des richesses considérables dont la mise en valeur pourrait nous permettre, à l’instar de Terre-Neuve, de nous libérer de l’assistanat fédéral (le régime de péréquation, le B.S. des provinces). Si elle fait cela, je vais la saluer bien bas et la congratuler.

Et puisque j’évoque Terre-Neuve, sachez qu’elle a déjà autorisé des forages dans la partie du site à haut potentiel dénommé Old Harry qui se trouve dans son territoire maritime. Le Québec, lui, est toujours paralysé par un moratoire décrété par le gouvernement libéral.

Et, malgré toutes les prédictions et les prophéties d’horreurs et de dégâts provoqués par l’exploitation des gaz de schiste, il est parfaitement possible de mettre en valeur cette richesse sans contaminer la nappe phréatique. Et il est possible aussi de faire en sorte de traiter adéquatement les eaux ayant servi au pompage du gaz. La catastrophe n’existe que dans les cauchemars enfantés par les chamans écolos.

Ces derniers claironnent partout qu’ils sont pour le développement à condition qu’il soit durable. En réalité, ce concept de «développement durable» est un attrape-nigaud. Car, dans les faits, chez les verdoyants de toutes obédiences, aucun projet de développement économique ne parvient à se voir accoler le label de «durabilité». Curieusement, le développement n’est jamais …durable. Ça n’existe pas! C’est comme la licorne ou le yéti, ce sont des chimères fricotées par des songe-creux.

La création de richesse, c’est la voie du salut économique pour les Québécois, comme pour tout peuple qui refuse le déclin et la dépendance. Surtout pas la croissance zéro et encore moins la décroissance. Il est affligeant de constater que la classe politique n’en fait qu’une figure de rhétorique et une matière à harangue.

Jacques Brassard



RÉPONSE

Vous le savez, je n’ai pas l’habitude de répondre à vos commentaires. Mais certains parmi vous ont laissé entendre par de petites «phrases assassines» que si, aujourd’hui je fais le matamore devant les verts, lorsque j’étais ministre, je courbais piteusement l’échine devant eux. Je ne peux pas laisser sans réponse une pareille vacherie. Tout simplement parce que quand j’étais ministre, j’ai eu, à plusieurs reprises, à confronter les brigades vertes. En voici quelques exemples.

I Après un horrible accident dans la côte des Éboulements (une quarantaine de victimes), le PM Bouchard et moi-même avons pris l’engagement de refaire la côte pour la rendre sécuritaire. Comme j’étais ministre des transports, j’avais le mandat de mener à bien ce projet avec diligence. Mais voilà que les écolos et les artistes se dressent contre le projet évoquant une terrible cicatrice en plein cœur d’une région reconnue comme patrimoine naturel par l’UNESCO. Ils exigeaient l’application intégrale de la procédure d’évaluation environnementale. Ce qui n’était pas nécessaire en vertu des règlements. J’ai refusé d’aller en ce sens. Ils sont allés devant les tribunaux (jusqu’en cour d’Appel). Ils ont perdu. Et la côte a été refaite.

II- Pour assurer la sécurité d’approvisionnement de plusieurs régions, Hydro-Québec, à la suite du Grand Verglas, a commencé rapidement la construction de la ligne de transport Hertel-Des Cantons. En ne suivant pas, il est vrai, compte tenu de l’urgence, toutes les dispositions de la procédure environnementale. Une «coalition» s’est alors formée pour arrêter les travaux et exiger le démantèlement de la partie construite. Comme j’étais alors ministre des ressources naturelles, j’ai donc affronté cette coalition verdoyante, soutenue par toutes les congrégations écolos. Dans ce dossier-là aussi, ils ont emprunté la voie des tribunaux. Jusqu’en Cour d’Appel. Cette dernière enjoignait le gouvernement de faire voter une loi spéciale pour régulariser les «manquements» réglementaires. Ce que j’ai fait, malgré les vociférations de la «coalition ». Et comme j’étais aussi leader du gouvernement, j’ai dû recourir à la suspension des règles pour faire adopter la loi.

III- Constatant que nous avions accordé trop de pouvoirs à la nouvelle Régie de l’Énergie, j’ai entrepris la modification de la loi. Avec l’appui, et je dirais même le mandat, du Premier Ministre. Le dépôt du projet de loi qui, entre autres objets, enlevait de la juridiction de la Régie la production d’électricité, a provoqué un ouragan de protestation dans toute la mouvance écolo. Manifestations, campagne de presse, lobbying intense, «chemises déchirées» sur la place publique, tout fut mis en œuvre pour me faire plier. Je n’ai pas bronché d’un poil. Et la loi fut adoptée …grâce encore une fois à la suspension des règles.

IV- Je pourrais également rappeler l’offensive que j’ai dû subir à la suite de la sortie du film de propagande mensongère du gourou abitibien Richard Desjardins sur la forêt. On réclamait à grands cris une commission d’enquête publique sur la forêt. J’ai toujours refusé parce que je savais que ça dégénérerait en un mauvais procès sur la gestion forestière du Québec… et ce n’était ni opportun ni mérité. La commission ne fut créée qu’après mon départ. Et ce fut effectivement un injuste procès.

Par conséquent, ne venez plus dire ou insinuer que je me suis couché, quand j’étais ministre, devant le clergé écolo. Je trouve cela offensant. Il faut dire que je pouvais compter sur le soutien sans réserve du Premier Ministre Bouchard. Je n’ai eu jamais à craindre, comme c’est souvent le cas, d’être désavoué où lâché par le chef du gouvernement. Admettons que ça crée des «conditions de combat» pour le moins favorables. J’ajoute cependant que je ne pouvais guère compter sur l’appui des instances du parti (Conseil National, Congrès, Comité d’environnement) qui, elles, ne cessaient de me mettre des bâtons dans les roues sous la forme de motions et de résolutions hostiles.

Jacques Brassard

mercredi 1 septembre 2010

DÉVELOPPEMENT ZÉRO

Commençons par les faits qui serviront d’exemples.

Sur les rives de la Péribonka, une entreprise de sciage récolte le bouleau parvenu à maturité. Elle respecte les normes de la loi sur les forêts. Et si ce bois n’est pas récolté, l’entreprise devra interrompre ses opérations. Un groupe de citoyens du coin crie au scandale, outré que l’on défigure les bords d’une rivière à fort potentiel récréo touristique. Notons qu’il n’y a aucune personne qui habite sur l’une ou l’autre rive de la Péribonka dans ce secteur. Et si les parterres de coupe sont présentement visibles à ceux qui naviguent sur la rivière, dans quelques années, la régénération va faire son œuvre et une forêt nouvelle va apparaître.

À Sept-Iles, les médecins de la ville ont déclenché une campagne d’opposition à une éventuelle exploitation d’un gisement d’uranium dans la région. Et ils n’y vont pas avec le dos de la cuillère. Ils assurent qu’il y aura des dangers de contamination et de radiation. Une partie de la population croit les toubibs et affiche son hostilité à l’ouverture d’une mine d’uranium sur son territoire. Quelques voix se sont élevées pour dire que l’exploitation d’un gisement d’uranium pouvait se faire de façon sécuritaire si l’on respectait les normes en vigueur. Mais rien n’y fit, le charlatanisme des chamanes de Sept-Iles a prévalu.

Dans la vallée du St-Laurent, il y aurait des gisements intéressants de gaz de schiste. Plusieurs PME ont entrepris des travaux d’exploration à divers endroits. Et les résultats sont prometteurs. C’en est assez pour que les écolos entrent en scène et s’insurgent contre une pareille initiative en invoquant de graves dangers pour la nappe phréatique. Et comme c’est leur habitude, ils exigent un moratoire sur tout projet d’exploration et d’exploitation du gaz de schiste.

Dans le golfe St-Laurent, le potentiel gazier et pétrolier est bien connu. Un site comme Old Harry, par exemple, pourrait produire des millions de barils de pétrole. Mais il ne se passe rien parce que les écolos ont obtenu un moratoire sur toute activité d’exploration et d’exploitation de gaz et de pétrole. Terre-Neuve va sans doute nous devancer.

Le Gouvernement a annoncé un plan prétendument de développement économique du nord du Québec. On lui a trouvé un nom : le Plan Nord. Le contenu de nature économique est inexistant, mais on sait cependant que 50% du territoire concerné sera une immense aire protégée.

Je pourrais aligner d’autres faits similaires, mais ces cinq exemples suffisent pour illustrer la très forte hostilité au développement économique qui domine dans les médias et au sein de la classe politique au Québec. Depuis des années, le paradigme écolo, qui considère l’entreprise comme intrinsèquement malfaisante et l’activité économique (surtout quand elle porte sur les ressources dites naturelles) comme foncièrement nuisible, est solidement incrusté dans l’univers médiatique. Il suffit qu’un groupuscule (qui prend presque toujours le nom de coalition pour faire forte impression) se lève pour clamer, au nom de la virginité de la nature, son hostilité à tel projet de développement pour qu’aussitôt les médias lui accordent un préjugé fortement favorable et le présente comme une vague de fond populaire.

Et comme le courage politique est de nos jours une denrée très rare, la classe politique, devant ces gesticulations ostentatoires démesurément amplifiées par les médias, s’effarouche et se défile en recourant à des mesures dilatoires. Déprimant spectacle!

Dans le dossier du pétrole dans le golfe et du gaz de schiste dans les basses-terres du St-Laurent, le gouvernement a refilé le tout au BAPE pour évaluation. Ça lui permet de gagner du temps sans avoir à se commettre. À Sept-Iles, l’entreprise, écoeurée, a laissé tomber ses travaux d’exploration.

Concernant la Pérbonka, c’est un fonctionnaire (le directeur régional du MRN) qui a eu la hardiesse de maintenir l’autorisation requise pour les opérations forestières. S’il avait fallu que le dossier aboutisse sur le bureau de la Ministre, on aurait sans aucun doute eu droit …à une autre évaluation environnementale.

Dieu sait pourtant que le Québec a un urgent besoin de développement économique. Il a besoin de croissance, d’investissements massifs, de création d’emplois. Il a aussi besoin des retombées fiscales du développement, ce qui lui permettrait d’envisager de se sortir du B.S. fédéral. C’est une vraie honte que 8 milliards de dollars des revenus budgétaires du Québec proviennent essentiellement, via le régime de péréquation, de l’Alberta qu’on se permet, par ailleurs, de sermonner et de flétrir comme l’incarnation de la vilenie et de la malveillance envers Mère-Nature. On devrait au moins se faire discret et se déguiser en courants d’air!

Le Québec est dans le pétrin, pour ne pas dire un foutu merdier, sur le plan des finances publiques. Pourtant, pas un seul parti politique qui ne fasse du développement économique non seulement une priorité, mais une véritable obsession. Il est vrai que l’ADQ l’a fait, mais ce n’est plus un parti de gouvernement. Les deux partis de gouvernement, le PLQ et le PQ, ne font que semblant de faire du développement une mission prioritaire. Ils le proclament à tout venant, mais, dans les faits, dès qu’un groupuscule, déguisé en coalition, sort ses pancartes et vocifère ses slogans débiles, ils détalent comme des lapins ou bien ils lui font des mamours impudiques.

Devant une telle abdication et une telle poltronnerie, comme ne pas céder au découragement et être tenté par le cynisme?

Jacques Brassard